Association Culturelle La Palabre

Association Culturelle La Palabre

Les Associations Culturelles

DU Psychothérapie institutionnelleVersion imprimable.jpg

 

LILLE 5 Mai 2011

Roger FLEURET

Philippe CHAVAROCHE

 

I/ Quelles sont les fonctions possibles d'une Association Culturelle ?

1/ Soutenir, transmettre et renouveler en permanence une « culture » du soin psychiatrique, de l'éducation et de la pédagogie.

 

On pourrait parler de cette culture comme un patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu socio-politique, de leurs interactions avec les personnes qu'ils soignent et accompagnent, et de leur histoire. Elle leur procure un sentiment d'identité et de continuité.

 

La notion de continuité sert à décrire les phénomènes qui évoluent progressivement et dont on ne peut comprendre le sens qu'en se plaçant dans une perspective historique. En ce sens l'histoire est une donnée fondamentale de cette culture et la fonction des associations culturelles est sans doute celle de transmettre l'histoire non dans une perspective « passéiste » (c'était mieux avant!) mais comme socle pour penser nos pratiques actuelles et futures. « Lorsque nous avons l'impression de voir loin, c'est que nous sommes assis sur les épaules de nos pères » disait Tosquelles.

 

Aujourd'hui, l'hégémonie des modèles qui s'imposent à un niveau international risque de réduire la richesse des cultures encore existantes dans nos champs, de laminer nos histoires et donc de détruire cette continuité qui soutient notre identité.

 

2/ Continuer à faire exister la notion de « groupes »

 

Il s'agit là de soutenir l'idée fondamentale que nous « marchons sur deux jambes » (Tosquelles) et donc que nous nous inscrivons dans une dimension sociale, groupale, et donc dans une articulation permanente à la différence de l'autre.

 

Les associations culturelles visent à maintenir dans notre champ de l'hétérogène à plusieurs niveaux : différents secteurs (soin – médico-social – pédagogie - culture), formations diverses (soignants – éducateurs – pédagogues), statuts différents (cadres – non cadres)...

 

Cette position paraît aujourd'hui nécessaire face à l'homogénéisation des modèles théoriques et pratiques (Evidence Based Médecine – référentiels de « bonnes pratiques »), au cloisonnement des secteurs (sanitaire – médico-social- pédagogique)...

 

La pratique des groupes a été à la base de la psychothérapie institutionnelle : références théoriques sur le fonctionnement des groupes au niveau social et inconscient (Lewin, Moréno...), sur l'utilisation des groupes dans les pratiques thérapeutiques (clubs), dans les réflexions collectives des premiers animateurs du mouvement (GTPsy, groupe de Sèvres..)

 

3/ Proposer des espaces de soutien aux professionnels engagés dans le soin et l'accompagnement de personnes en difficultés psychiques et sociales

 

Les associations culturelles peuvent prendre à leur compte les questions de « souffrance au travail » dans les champs du soin et de l'accompagnement en proposant des espaces où une parole libre, dégagée des « établissements » peut être dite, entendue et partagée avec des professionnels en dehors des questions de statuts et de hiérarchie.

 

Les profondes mutations qui malmènent actuellement les secteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux génèrent une perte de sens massive et amènent chez de nombreux professionnels des difficultés à trouver des gratifications suffisantes pour soutenir leur motivation et leur investissement dans leur travail.

 

Le soutien vise non pas à se substituer aux instances qui relèvent des dispositifs que doivent mettre en place les établissements : travail clinique effectif, analyse institutionnelle permanente... (et qui bien souvent ne le font pas!) mais à proposer un espace « autre » où peuvent s'élaborer les problèmes rencontrés, à en comprendre les genèses et les logiques fonctionnelles, relationnelles et transférentielles.

 

4/ Promouvoir et soutenir l'investissement des outils théoriques pour penser le travail de soin et d'accompagnement

 

Le travail de soin et d'accompagnement des personnes en graves difficultés psychiques demande à être pensé et soutenu avec des outils de théorisation qui aident à donner un sens à la clinique.

 

Il s'agit ici de proposer dans les associations culturelles un travail « pratico-théorique » à partir de situations cliniques qui peuvent être travaillées en groupe et de faire un travail « théorico pratique » à partir des outils théoriques mis à l'étude (travail sur des textes, séminaires...). Ces deux mouvements sont indissociables et doivent être en articulation constante.

 

La tradition des « lectures » collectives de textes « fondateurs », notamment en référence aux bases qui ont aidé à théoriser la pratique de la psychothérapie institutionnelle, devrait être maintenue.

 

5/ Proposer un espace de formation aux professionnels

 

La formation doit s'entendre comme une démarche continue qui articule :

  • l'acquisition et le perfectionnement de ses connaissances théoriques,
  • le développement et l'entretien de sa capacité à mettre en mots son expérience clinique de la rencontre avec le sujet et l'institution
  • le développement et l'entretien de l'aptitude à analyser son engagement subjectif dans cette rencontre.

 

Cette formation peut s'entendre comme triple dans la logique des trois cercles lacaniens: théorique, clinique et inter-subjective, l'effet de formation opérant à la jonction des trois cercles.

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Cette formation ne peut se faire que dans la rencontre entre professionnels où peuvent se transmettre, se confronter et s'articuler ces trois dimensions.

 

Les modalités de la fonction de formation des associations culturelles peuvent se décliner selon plusieurs modalités : groupe de travail théorico-clinique et clinico-théorique, journées d'étude et de formation...

Certaines peuvent se doter d'un n° d'agrément de formation permanente et proposer aux établissement des actions de formation continue.

 

6/ Proposer un espace de réflexion et d'engagement dans L E « politique »

 

Le travail soignant, médico-social, culturel ou pédagogique s'inscrit dans LE politique au sens où ces activités humaines traitent de la « chose publique », du « vivre ensemble », de la « citoyenneté »...

 

Ces activités sont donc soumises aux aléas de LA politique au sens politicien du terme et sont organisées dans le cadre de lois et règles votées et édictées dans le cadre démocratique de notre pays.

 

Or il peut se trouver que les lois et règles qui sont édictées viennent parfois en contradiction avec le sens que nous pouvons donner au politique (et non à la politique), dans les valeurs que nous soutenons et défendons. C'est particulièrement le cas aujourd'hui avec de nombreuses lois (notamment dans le champ de la psychiatrie) qui viennent annuler tout le travail de désaliénation mentale et sociale mis en œuvre par les promoteurs de la psychothérapie institutionnelle et leurs continuateurs. D'autres champs sont aussi questionnés dans leurs valeurs : l'école, le médico-social, la justice, la culture,

 

Les associations culturelles ont donc une fonction d'alerte sur les enjeux de société qui sont au cœur de ces orientations politiciennes et plus particulièrement pour les plus faibles de notre société, une obligation d'engagement pour soutenir nos valeurs et de « résistance » pour combattre ces orientations.

 

Les modalités d'engagement des associations culturelles peuvent prendre plusieurs formes : participation à des mouvements nationaux ou locaux (« L'appel des appels »), journées de rencontre et réflexion, publications...

 

7/ Fonction d'animation d'un espace géographique sanitaire, médico-social ou pédagogique.

 

Une association culturelle s'inscrit dans un espace géographique (la notion de « territoire » étant maintenant employée et galvaudée dans le discours administratif et gestionnaire dominant) et peut donc contribuer à son animation au sens de s'y faire reconnaître comme un acteur de la réflexion et de la formation des professionnels

L'échelle de cet espace peut-être celle d'une agglomération, d'un département ou d'un bassin regroupant de nombreux établissements.

 

Sa fonction dans cet espace peut être de décloisonner les secteurs sanitaires, médico-sociaux, sociaux, scolaires, culturels... de favoriser les rencontres entre les professionnels de ces secteurs pour favoriser les échanges d'expériences et créer une dynamique de réflexion commune sur des questions transversales à tous ces secteurs.

 

II/ Les associations culturelles aujourd'hui ?

 

Il est assez difficile de faire vivre une association culturelle aujourd'hui, les raisons peuvent en être les suivantes :

 

1/ Affaiblissement des idées et concepts de la psychothérapie institutionnelle qui est souvent cataloguée comme « vieille lune » ou « ringarde »... !

 

2/ Puissance et hégémonie de « l'établissement » dans les dimensions administratives et gestionnaires qui entend tout contrôler aussi bien dans l'organisation du soin (affaiblissement de la notion de « club ») et dans la « gestion de la ressource humaine » que sont maintenant les professionnels (affaiblissement de la notion d'association culturelle comme espace appartenant aux professionnels sans regard de l'administration)

 

3/ Affaiblissement des engagement groupaux dans le milieu professionnel (même constat pour la syndicalisation), culte du « chacun pour soi" !

 

4/ Modifications dans la structuration des établissements de soins où sont nées les associations culturelles … Les modes d'hospitalisation ont changé, la temporalité plutôt longue qui permettait que s'installent dans le temps les clubs et les associations culturelles dans une même unité de temps et de lieu ne sont plus les mêmes. On assiste à un éclatement spatio-temporel des modalités de soins, on peut se demander : « y-a-t-il encore de l'hôpital ? ». Si le temps plutôt long favorisait la « sédimentation » , la « chronicité » pourtant au fond de tout parcours de soin semble avoir disparu... !

 

5/ Affaiblissement du recours à la pensée comme moyen de lutter contre l'aliénation mentale et sociale, domination du « prêt à penser », attaques contre la complexité, théories comportementalistes...

 

 

 

 



24/10/2013

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